Jeux de nains…
Ses nains de jardin, Benoît Du Pasquier les affectionne. À tel point que la famille de quelque 150 petits barbus a élu domicile non pas sur son lopin de terre, mais dans son salon. Un nain-conscient? Un nain-posteur? Toujours est-il que nous avons pris ce collectionneur la nain dans le sac!
Vissez-lui un chapeau sur le crâne, des bottes et une tenue de circonstance: avec sa barbe et ses cheveux blancs de 58 ans Benoît Du Pasquier pourrait tout à fait – à la taille et au diamètre des oreilles près – passer nain-cognito au milieu de ses minuscules locataires. Les calembours bon marché, on pourrait en débiter à la louche. Alors autant se censurer immédiatement, avant qu’il ne soit écrit nain-porte quoi. D’autant plus que ce « nanologue“ érudit, membre de la très sérieuse Association pour la protection des nains de jardin (dirigée par l’éminent professeur en « nanologie » bâlois Fritz Friedmann), rédacteur occasionnel de la très officielle gazette des nains de jardin, compte bien éditer prochainement un ouvrage entièrement consacré aux jeux de mots à tendance « nanale ».
Collectionneur dans l’âme, Du Pasquier a commencé par amasser des boules de neige « pour provoquer, car c’était kitsch », puis les sacs de commissions Migros. Deux collections qui ornent encore maintenant les murs et les vitrines de son trois pièces, à Pully. Le virus du gnome, lui, l’a contaminé au début des années 90. Le nain bavarois offert par une amie a pu rapidement trinquer avec d’autres confrères. Livres, coupures de journaux et objets insolites complètent désormais la collection.
Des farfelus
« A l’époque, collectionner les nains suscitait un sentiment de répulsion chez certains; aujourd’hui, c’est devenu très trendy. » Les railleries, ce responsable de la communication dans une grande boîte informatique à Lausanne en a connu. » Même si le regard des gens a évolué, les collectionneurs de nains sont toujours considérés comme des farfelus ». Aussi, ils se prennent au jeu, afin de mieux dérouter leurs interlocuteurs. Car les « nanophiles » sont dotés d’un sens de l’humour très particulier: une sorte d’autodérision très second degré. Quand ils content leurs histoires, difficile de trier le bon grain de l’ivraie, de reconnaître le ton plaisantin du verbe sérieux.
Pourtant, entre collectionneurs, le nain est un sujet tout ce qu’il y a de plus sérieux. Pourquoi les naines n’existent pas? Comment font-ils pour procréer? D’où viennent-ils? Autant de questions existentielles incontournables dont ils débattent fréquemment. Car tout « nanologue » digne de ce nom se doit d’apporter sa pierre à l’édifice, sa théorie de l’univers des gens de petite taille.
Un moyen de fuir la réalité et de se réfugier dans le rêve et un monde fantasmagorique? « Peut-être, répond Du Pasquier. Chacun a ses histoires de nain. Comme avec le Dahu, personne ne peut nous contredire ». Et de sortir un œuf en métal accouchant d’un nain, une œuvre personnelle symbolisant la genèse. « Pour moi, le nain est né comme ça ». Ainsi soit-il.